Au Liban, les populations clés sont les plus touchées par l’épidémie de VIH/sida. 60% des infections concernent les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). La prévalence chez ce groupe atteint 12%, contre 0,05% dans la population générale*. Bien que dans des proportions moindres, les usager·ère·s de drogues injectables (UDI) et les travailleur·se·s du sexe (TS), sont également plus affecté·e·s. Le dénominateur commun ? Un trop faible niveau d’information sur le VIH, tant sur les moyens de transmission et de prévention que sur la prise en charge. Une étude réalisée dans le cadre du Programme FORSS en 2019, montre que les populations clés vivant avec le VIH ne sont pas en capacité de citer d’autres structures de prise en charge que la leur et comptent souvent sur Internet ou les conversations avec leurs proches pour s’informer. Un élément d’autant plus dommageable que les informations échangées sont parfois fausses, non adaptées ou mal interprétées.
* Source: Chiffres ONUSIDA 2021
Plus de la moitié des prestataires de services en matière de VIH sont concentrés dans Beyrouth et sa périphérie. Les habitant·e·s des régions les plus éloignées de la capitale, comme Tripoli ou le Sud du Liban, ont donc plus de difficultés à accéder à ces services. Le coût prohibitif des traitements est par ailleurs cité par les personnes vivant avec le VIH comme une contrainte majeure. Si le ministère de la Santé s’est engagé à les fournir gratuitement, l’instabilité politique et les nombreuses coupes budgétaires limitent la couverture des dépenses de santé des Libanais·e·s. Le dépistage des IST, la prise en charge de la santé mentale ainsi que les médicaments, opérations, vaccins et bilans annexes sont bien souvent hors de portée pour la majorité des habitant·e·s.
des PVVIH qui connaissent leur statut reçoivent un traitement antirétroviral
des PVVIH recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale indétectable
taux de prévalence au VIH chez les HSH
La découverte de leur statut sérologique ou la perte de leur emploi, liens familiaux et sociaux alimentent une anxiété constante chez les populations clés et PVVIH. La peur et le stress affectent grandement leur quotidien, d’autant plus que les rapports sexuels entre personnes du même sexe, l’usage de drogues ou le travail du sexe sont punis par la loi libanaise. Certaines études rapportent des troubles allant de la dépression jusqu’à l’automutilation. Face au besoin manifeste de soutien psychologique, les structures compétentes manquent à l’appel. Bien que de nombreuses organisations de la société civile aient été formées et s’organisent pour la création de groupes de soutien, elles ne disposent toujours pas des ressources pour les mettre en place.
Hôpital, tribunaux, milieu professionnel, noyau familial et amical : les terrains de la discrimination des PVVIH et populations clés sont partout. Selon le Code pénal libanais (Art.534), « tout rapport sexuel contraire à l’ordre naturel » est interdit et passible d’un an de prison. Les populations clés rencontrent des difficultés d’accès à la justice et les personnes transgenres de nombreuses barrières administratives pour changer leur statut. Les pratiques illégales comme le refus de soin ou l’obligation de passer un test de dépistage du VIH avant l’embauche sont, par ailleurs, récurrentes. Ainsi, la majorité des compagnies d’assurance libanaises refusent de couvrir les soins liés au VIH et utilisent la séropositivité au VIH comme motif de rupture des contrats. Bien qu’aucune loi ne condamne le statut sérologique, les personnes appréhendées par les forces de l’ordre et soupçonnées d’être porteuses du VIH se voient parfois placées à l’isolement.