En Tunisie, le VIH/sida est classé comme épidémie urbaine, affectant particulièrement les jeunes. Le Grand Tunis et les régions côtières totalisent 88% des cas*. La prise en charge des PVVIH se concentre donc dans cette région, où l’on ne dénombre néanmoins que quatre centres (Tunis, Sousse, Monastir, Sfax), laissant toute la partie Ouest du pays sans couverture. Les frais de transport élevés pour se rendre dans ces centres constituent un véritable frein à l’observance des patient·e·s. Par ailleurs, la majorité des services spécialisés offerts aux HSH, TS et UDI est fournie par des associations basées sur le Grand Tunis. Si le dépistage volontaire est actuellement proposé dans 25 centres de façon anonyme et gratuite, son impact reste quantitativement et qualitativement modéré, avec une moyenne de 1,18 tests/1000 habitants et une attractivité faible pour les populations clés, qui représentent moins de 10% des personnes dépistées**.
*Source : Programme FORSS – MAHJOUBI Mohamed Bilel, Rapport d’état des lieux des services disponibles en matière de lutte contre le VIH/sida en Tunisie, Juin 2019
**Source : Ibid.
Au quotidien, les populations clés font face à plusieurs obstacles socioculturels et juridiques tels que le rejet social, les expulsions du domicile familial, la stigmatisation et discrimination sur le lieu de travail ou de la part des professionnel·le·s de santé, la pénalisation, la privation des droits élémentaires. L’exemple le plus significatif est sûrement l’article 230 du Code pénal qui prévoit jusqu’à trois ans de prison pour « sodomie » entre adultes consentant·e·s. La version arabe de l’article, qui fait loi, vise l’« homosexualité féminine ou masculine ». Par ailleurs, l’interprétation large de l’article 226 bis – lequel condamne « quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique » – est également préjudiciable aux populations clés. La discrimination et les violences physiques et/ou sexuelles dont elles sont victimes sont aujourd’hui les freins les plus importants à la prévention et à l’accès aux soins. Couplés à des ruptures de stock de matériel de prévention et de médicaments, ces obstacles rendent les populations clés tunisiennes extrêmement vulnérables au VIH.
des PVVIH connaissent leur statut sérologique reçoivent un traitement antirétroviral
des PVVIH recevant un traitement antirétroviral ont une charge
taux de prévalence au VIH des UDI
Les femmes PVVIH et issues des populations clés sont doublement stigmatisées et exposées à de multiples violences (familiales, conjugales, etc) : une situation qui limite leur accès aux services publics de santé. Les adolescentes soumises à des législations et des politiques liées à l’âge (les mineures doivent être accompagnées par leur tuteur·rice pour le dépistage du VIH) sont également de plus en plus marginalisées. La vulnérabilité socioéconomique des femmes est aggravée par le caractère souvent informel de leur travail. Le fait de ne pas être rémunérées lorsqu’elles s’absentent et de ne souvent pas disposer d’assurance maladie constitue une barrière supplémentaire d’accès aux soins pour elles et leur famille.
Face à cette situation, l’implication des organisations de la société civile a été très précoce et efficace. Les associations sont aujourd’hui des partenaires à part entière dans la riposte nationale contre le VIH/sida et bénéficient de l’appui financier du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la mise en œuvre de programmes de dépistage auprès des populations clés et de prise en charge globale des PVVIH. Face à la demande accrue d’une prise en charge et d’une aide légale, venant notamment des TS, certaines associations comme l’ATL-MST Tunis, ATIOST ou encore l’ATP+ (partenaire du programme FORSS), jouent un rôle essentiel de prévention, d’accompagnement et d’orientation, notamment auprès des services hospitaliers.